mercredi, janvier 17, 2007

A l’heure où le réseau breton se recompose, y a-t-il la place pour de véritables Think Tanks bretons ?

Disposons-nous aujourd’hui d’un Think Tank en Bretagne ? A priori non. Nous avons certes quelques instituts, mais leur champ d’influence sur le monde des idées dépasse à peine la région historique. Sans doute que sur le volet économique, leur influence est plus grande… Ce n’est pas évident. Concernant les clubs « parisiens », le lieu de la diaspora économique historique (puisque longtemps, les décisions se faisaient à Paris …) nous avons l’ACB et le jeune Paris Breton sur le même objet social et le même registre, et pas très loin le Club de Bretagne. Aucun aujourd’hui n’est structuré en Think Tank, même si la commission Pierre Marzin à l’ACB sous la houlette de François Leraillez et à laquelle j’ai pu participer à une époque, a essayé de fonctionner de 2002 à 2004 dans ce sens : réflexion, prise de position, communication. Ce n’était qu’un embryon de Think Tank, difficile à développer, mais qui a pu avoir son effet dans le contexte de la constitution des pôles de compétitivité.

Les clubs, le Club de Bretagne, l’ACB et Paris Breton ne sont pas sur ce registre. Ils sont plus sur la promotion du « breton » au travers d’événements et fonctionnent comme des réseaux d’amitiés. Le résultat de leur action, fort utile au demeurant, s’illustre par quelques articles retentissants sur la « force » des réseaux bretons, la réussite de nos entrepreneurs et enfin, enfin… le syndrome Bécassine aux oubliettes… Bien que l’on nous rabâche tellement ce syndrome qu’on se demande s’il est véritablement oublié, question de génération. « Les bretons enfin décomplexés … » dit l’Express, certes mais de quoi ? Au fond, l’article m‘agace un peu, j’ai l’impression de relire une énième redite… Sans voir se profiler une Bretagne économique visible, identifiée selon ses objectifs, sa stratégie, ses savoirs –faire. Dans les clubs parisiens, les enjeux sont évoqués, mais aucune proposition concrète, émise en dehors du journal interne n’émane de leurs travaux.

Bref, la Bretagne serait dépourvue d’un véritable Think Tank, puisque sa constitution, au-delà de la réflexion, du centre d’expertise et de recherche que l’on peut retrouver à Locarn, implique une dimension communicationnelle, une ouverture sur les institutions et sur le monde politique, bien au-delà du champ exclusivement régional, où peu de choses se décident en fin de compte.

Une autre organisation se rapproche de la définition d’un Think Tank : Bretagne Prospective… Des groupes de travail, des études, un chercheur universitaire de talent, une communication des travaux réalisés, la volonté de créer une fondation … A noter qu’aux Etats-Unis, ce sont les fondations qui financent les Thinks Tank. Les montants ne sont pas du tout les même qu’en Europe. Pour des raisons fiscales, d’une part… d’autre part parce que l’influence, le Social Learning, les méthodes pour occuper les territoires des idées, des valeurs, des représentations et de la communication sont complètement intégrés dans la stratégie politique et économique des organisations. A titre d’exemple, la PNAC a fortement contribué à la guerre en Irak et promulguer le concept de guerre préventive en dehors des institutions.

L’enjeu est de taille. Pour illustrer, en avril 2005 aux Etats-Unis, les libéraux s’organisent pour tenter de revenir dans la bataille des idées avec plus de poids et de force : 70 millionnaires/milliardaires se réunissent à Scotterdale sous la houlette de l’ancien conseiller de Clinton, Rob Stein avec pour objectif : convenir ensemble des modalités d’un puissant soutien des Think Tanks libéraux pour contenir la Fondation Héritage, AEI, Fow News et le Leadership Institute.

A titre indicatif, G.Soros a donné plus de 23 millions de dollars à des groupes prodémocrates en 2004 (Voir le livre de Stephen Boucher). « Il ne s’agit plus dès lors de s’adapter aux exigence de l’opinion telle que les sondages les révèlent – ce qu’aurait fait Clinton – mais de les façonner » dit Robert Kagan, associé à la fondation Carnegie. « Lorsque nous avons démarré [en 1973], on nous qualifiait d’ »ultra-droite » ou « d’extrême droite ». Aujourd’hui, nos idées appartiennent au courant dominant ». Edwin Feulner, Président de la Heritage Fondation (1993).

Par comparaison, le budget de l’Institut de Montaigne est de 5 millions d’euros et le nombre des TT français se compte sur les doigts de la main et en milliers d’euros. En Bretagne, nous avons des capitaines d’industrie, des idées et de la recherche. Si la Bretagne veut peser, elle doit se doter de nouveaux instruments, d’un ou plusieurs, selon les thèmes et ses sensibilités politiques ; enrichir le débat et influencer les décisions au niveau européen.

Cela suppose une autre manière de fonctionner. Accepter le travail en réseau. Passer d’un mode opératoire où tout se décidait en «secret » à un mode opératoire, plus ouvert, plus conforme avec les révolutions technologiques en cours et leurs applications pour promouvoir nos idées.. Cela implique une spécialisation des démarches, avec des objectifs clairs. Si l’on regarde le volet international, il est étonnant de voir la guerre guerre puérile et les procès d’intention que font certains acteurs à d’autres … Les enjeux sont tels, l’ampleur du travail tellement importante, qu’il y aurait intérêt à réfléchir ensemble et se spécialiser chacun sur la promotion d’un secteur, d’un cluster, d’un pôle… Cette spécialisation conditionne la recherche de relais efficaces dans des pays « cibles ». La base de données en elle-même, le nombre de relais potentiels ne valent rien, sans objectifs, sans projets locaux, sans orientations précises, sans missions, sans feuilles de route. Cela ressemble à un viaduc qui tourne en rond.

L’intelligence économique passe du renseignement à l’influence. L’évolution est palpable depuis une décennie. Les modes opératoires changent. L’investissement pour peser dans le monde des idées est de plus en plus lourd, et quand on sait que ce sont les idées qui gouvernent… Y a t-il la place pour des Think Tanks en Bretagne, je vous propose d’en discuter prochainement dans un débat organisé par Global Bretagne.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

excellent article, très interessant.

Anonyme a dit…

Votre tentative d'appréhender les think tanks bretons ou les organisations s'en approchant comporte un oubli de taille : l'institut de Locarn. Ce réseau de décideurs bretons produit de l'intelligence collective qui se matérialise lors des rencontres mensuelles et des publications (qui ne sont pas dans le domaine publique). L'institut présidé par Alain Glon a des actions d'influnces. D'accord avec vous sur Bretagne Prospective qui tend à se rapprocher du modèle TT sur bien des points.

Permettez-moi de revenir sur la description erronnée que vous faites du Club de Bretagne et de Paris Breton (qui ne sont bien sûr pas de TT, ce n'est pas leur vocation).


Vous écrivez que "Ils sont plus sur la promotion du « breton » au travers d’événements et fonctionnent comme des réseaux d’amitiés. Le résultat de leur action, fort utile au demeurant, s’illustre par quelques articles retentissants sur la « force » des réseaux bretons, la réussite de nos entrepreneurs et enfin, enfin… le syndrome Bécassine aux oubliettes…" Vous êtes mal renseigné sur l'objet et les actions de ces organisations. Avez-vous déjà mis les pieds dans l'une de leurs manifestations ou interviewé leurs responsables ? J'en doute.... Votre démarche reste à approfondir pour être crédible.

Je vous encourage à lire les articles sur ces différentes organisations à l'adresse blog.breizh.bz (notamment le billet Bretagne, terre de réseaux).

Bien à vous,

Ronan Le Flécher

GLOBAL BRETAGNE a dit…

Ah enfin ça s'anime... ça commençait à être ennuyant. Salut Ronan et bonne année, tout à fait d'accord sur Locarn, ta première remarque n'est pas véritablement en contradiction avec l'article. Pour la seconde, merci d'apporter ta contribution, c'est l'occasion d'éclairer les lecteurs du blog sur la vocation des associations, leur positionnement les unes par rapport aux autres, et plus précisément Paris Breton que tu co animes vs ACB & Club de Bretagne. A galon. David

Anonyme a dit…

La vocation et les projets des trois associations que tu cites - Paris Breton, Club de Bretagne et ACB - a été exposée par leurs présidentrs respectifs à l'automne dernier lors d'une soirée unitaire. Pour en savoir plus, un petit tour sur http://blog.breizh.bz/index.php?2006/12/24/120-les-bretons-de-paris-affichent-leur-unite

En résumé, le Club de Bretagne a été fondé sur le modèle d'un club à la brittanique et organise un dîner mensuel à Paris.
Paris Breton (www.parisbreton.org) oeuvre pour le développement économique et culturel de la Bretagne en organisant notamment des événements gratuit et grand public relatifs à la Bretagne. Quant aux Cadres Bretons, leur fonctionnement se rapproche aujourd'hui de celui d'une amicale de Bretons (à l'instar de la fédération des Bretons de Paris ou de l'USBIF) avec une tonalité économique plus accentuée.

J'aimerais néanmoins que l'auteur du billet initial expose sa méthodologie ou du moins ses propos sur plusieurs organisations citées : en a-t-il rencontré les responsables ? S'est-il documenté ?

Anonyme a dit…

En parlant de méthodologie, voir :
http://www.agencebretagnepresse.com/fetch?id=5966